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mercredi 2 février 2011

Les islamistes, force politique de la nouvelle Tunisie

Le mouvement Ennahda n'a peut-être joué aucun rôle dans le renversement du président Zine Ben Ali en Tunisie, mais l'accueil réservé à son chef Rachid Ghannouchi après 22 ans d'exil a mis en évidence la place qu'occuperont à terme les islamistes tunisiens.Lire la suite l'article
Des milliers de personnes se pressaient dimanche dernier à l'aéroport de Tunis-Carthage pour fêter le retour de Ghannouchi, éclipsant toute manifestation pour d'autres exilés et alarmant les Tunisiens attachés à ce que l'islam reste séparé de l'Etat dans l'ex-protectorat français habitué à une laïcité officielle.
Les sceptiques observeront de près l'attitude d'Ennahda dans les prochains mois pour vérifier si ses actes correspondent à sa rhétorique modérée. Les islamistes assurent ne pas briguer la présidence et se disent prêts à côtoyer d'autres mouvements dans la démocratie qui remplacera l'Etat autoritaire bénaliste.
"La Tunisie ne changera pas pour s'adapter aux islamistes et à leurs idées. Ce sont les islamistes qui doivent s'adapter à la Tunisie moderne", dit Nedji Bghouri, dirigeant du syndicat des journalistes. "Un courant d'Ennahda commence à s'ajuster à cette réalité, mais il y a aussi ceux qui sont plus extrêmes."
Malgré la répression qui a envoyé en prison ou en exil des milliers d'entre eux au cours des années 1990, les partisans d'Ennahda (Renaissance) semblent d'ores et déjà mieux organisés que les autres organisations politiques.
"LE MOMENT EST À LA RETENUE"
Dimanche à l'arrivée de Rachid Ghannouchi, de jeunes bénévoles d'Ennahda polis et bien organisés encadraient la foule en l'absence quasi complète d'agents de sécurité de l'aéroport. Ils semblaient tous se connaître, suivaient un plan et portaient des casquettes de base-ball blanches pour s'identifier.
Ce n'est pas un mince exploit de la part d'un mouvement interdit depuis deux décennies et dans un pays où les femmes qui portaient le foulard islamique étaient exclues du monde du travail ou de l'enseignement, tandis que les hommes qui priaient trop ostensiblement en public étaient interpellés.
"Ennahda ajuste son discours en fonction du moment, et le moment est à la retenue", note Larbi Sadiki, professeur tunisien à l'université britannique d'Exeter. "Ils seront examinés avec plus d'attention que d'autres, car depuis longtemps on ne pouvait pas conjuguer Tunisie et islamisme."
Ennahda s'applique à ne pas intervenir publiquement trop vite, de peur d'être accusé de transformer une révolte populaire en révolution islamique comme ce fut le cas en 1979 en Iranaprès le retour d'exil de l'ayatollah Ruhollah Khomeini.
Rachid Ghannouchi n'est pas rentré immédiatement en Tunisie. Son parti ne présentera pas de candidat à la présidence et, s'il compte participer aux élections législatives, Ghannouchi lui-même ne briguera aucun poste officiel.
Cette position apaise certains Tunisiens qui craignent de voir les islamistes détourner les événements. Mais en obtenant un nombre important de sièges parlementaires, Ennahda pourrait jouer un rôle d'arbitre lors d'une élection présidentielle.
"Khomeini est revenu pour une révolution dont il était l'instigateur. Ghannouchi vient se joindre à une révolution dont il n'a pas été l'instigateur. Il ne peut pas revendiquer cette révolution", déclare Larbi Sadiki, qui était à bord de l'avion qui a ramené Ghannouchi de Londres à Tunis.
REPRÉSENTATION PROPORTIONNELLE ?
"Ils convoiteront 35 à 40% des voix pour montrer qu'ils ont une légitimité, rien de plus. Ce qu'il faut surveiller, c'est ce qu'ils font au niveau de la société civile, des groupes civiques, des ONG."
Autorisée à présenter des candidats aux élections de 1989, Ennahda avait obtenu une part respectable des suffrages, ce qui avait amené Ben Ali à l'interdire.
Le mouvement risque d'inquiéter tout autant les groupes d'opposition laïques dont le score n'avait pas dépassé trois pour cent en 1989 et qui peuvent aujourd'hui redouter une correction analogue de la part des islamistes.
Le seul rival d'Ennahda, pour le nombre d'adhérents et l'organisation, est la centrale syndicale UGTT qui s'est ralliée brièvement au gouvernement de transition après la fuite de Ben Ali. L'UGTT avait conclu un accord avec ce dernier mais a fini par se joindre au soulèvement et s'emploie à redorer son image.
Il reste beaucoup à faire en Tunisie. La situation requiert notamment une nouvelle loi électorale, les dispositions en vigueur limitant sévèrement le multipartisme.
Les groupes laïques pourraient militer pour la proportionnelle, qui bride les grandes formations, assure un rôle aux petits partis et favorise les coalitions. Ce qui s'exercerait au détriment d'Ennahda, bien que le mouvement puisse être assez confiant pour accepter une telle concession.
"On dit qu'il y a un problème dans le monde arabe, que nous avons le choix entre des dictateurs et des islamistes. Il nous faudrait la représentation proportionnelle pour ne pas finir avec un seul grand parti, afin que personne ne puisse gouverner seul", dit l'opposant Fassi Djerbi, professeur d'économie.

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