Des coups de feu ont été entendus vendredi soir au Caire après l'entrée au vigueur du couvre-feu et le siège du Parti national démocrate (PND), au pouvoir, était en feu au terme d'une journée sans précédent de contestation du régime de Hosni Moubarak.Lire la suite l'article
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A l'issue d'un "jour de colère" proclamé par les opposants, le président Moubarak a chargé l'armée de prêter assistance aux forces de police et décrété un couvre-feu nocturne dans les principales villes - Le Caire, Alexandrie et Suez -, étendu dans la soirée à toutes les villes du pays.
Galvanisés par l'exemple tunisien, des dizaines de milliers d'Egyptiens sont descendus cette semaine dans les rues pour exiger le départ du "raïs", au pouvoir depuis près de trente ans.
Vendredi, jour de la grande prière, des affrontements dans la capitale ont fait des dizaines de blessés. Les forces de l'ordre, équipées de canons à eau, de grenades lacrymogènes et tirant des balles en caoutchouc ont tenté de disperser les manifestants, qui ont répliqué en jetant des pierres aux cris de "A bas, à bas Hosni Moubarak" ou "Moubarak, dégage ! l'avion t'attend".
Selon des sources médicales, le bilan des violences de la journée serait de 410 blessés au Caire, certains par balles. La chaîne de télévision Al Djazira fait état d'un mort, mais l'information n'a pu être confirmée.
Les forces armées se sont déployées dans la capitale et dans les autres grandes villes. A Suez, à l'est du Caire, on signalait dans la soirée la présence de véhicules blindés dans les rues.
"Etant donné ce qui s'est passé en province, les émeutes, le désordre, les pillages, les destructions, les agressions et les incendies de biens publics et privés, notamment de banques et d'hôtels, le président Hosni Moubarak a décrété un couvre-feu en sa qualité de chef des armées", a précisé la télévision d'Etat.
Le couvre-feu sera en vigueur de 18h00 (16h00 GMT) à 07h00 (05h00 GMT).
Mais les incidents se sont poursuivis après son entrée en vigueur, et des coups de feu ont été entendus dans le centre du Caire.
Hosni Moubarak, âgé de 82 ans et au pouvoir depuis 1981, pourrait s'exprimer prochainement à la télévision.
ELBARADEÏ PARMI LES MANIFESTANTS
Rentré la veille dans son pays, l'ancien directeur général de l'AIEA et prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradeï, qui estime que le moment est venu pour Moubarak de se retirer, a pu participer dans l'après-midi à un défilé pacifique dans la capitale.
Dans la matinée, alors qu'il assistait à la grande prière dans une mosquée du quartier de Gizeh, la police avait tenté de contrôler ses déplacements.
Aux abords de la mosquée Al Azhar dans le centre de la capitale, après la grande prière, la police a tiré des balles en caoutchouc sur plusieurs milliers de manifestants. Des incidents se sont également produits sur la place Tahrir, dans le centre du Caire, et sur la place Ramsès.
D'autres manifestations se sont déroulées à Alexandrie, Al Mansourah et Assouan. A Suez, où un poste de police avait été incendié la veille, des manifestants ont transporté à bout de bras le corps d'un manifestant tué après des heurts avec la police.
Pour tenter de limiter la contestation, les autorités ont arrêté des membres des Frères musulmans. Elles ont en outre bloqué jeudi peu après minuit les sites internet utilisant les serveurs égyptiens ainsi que les communications des téléphones portables, réduisant d'autant les capacités de mobilisation des opposants.
S'inspirant de la "révolution du jasmin" tunisienne qui a chassé le président Zine ben Ali le 14 janvier, les Egyptiens descendent dans la rue depuis mardi dans le cadre d'une contestation sans précédent contre le régime de Moubarak.
Les autorités ont arrêté plusieurs membres du mouvement des Frères musulmans, dont au moins huit figures du mouvement fondamentaliste dans la nuit de jeudi à vendredi.
A Davos, où il participe au Forum économique mondial, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé les dirigeants égyptiens à éviter de nouvelles violences et à respecter les libertés de rassemblement et d'information.
La chancelière allemande Angela Merkel, elle aussi présente dans la station suisse, a appelé à l'arrêt des violences. "Nous devons parvenir à un dialogue pacifique en Egypte. La stabilité de ce pays est extrêmement importante, bien sûr, mais pas au prix de la liberté d'opinion", a-t-elle ajouté.
Hillary Clinton a jugé elle que les autorités égyptiennes devaient permettre les manifestations pacifiques des civils et retenir leurs forces de sécurité.
A Paris, le Quai d'Orsay a appelé les ressortissants français à limiter leurs déplacements en Egypte.