Le président égyptien Hosni Moubarak a annoncé mardi qu'il quitterait le pouvoir lorsque que son successeur aura été désigné en septembre, mais sa promesse risque fort de ne pas satisfaire les manifestants qui réclament sa démission depuis une semaine.
Lire la suite l'articleUn million d'entre eux s'étaient rassemblés dans la journée pour réclamer son départ. Des cris de joie ont retenti place Tahrir, épicentre de la contestation, après l'allocution télévisée du président âgé de 82 ans, au pouvoir depuis octobre 1981, mais beaucoup doutent que l'opposition accepte qu'il achève son cinquième mandat pour préparer la transition. "Dégage! Dégage!" ont encore scandé certains de ses détracteurs.
"Je dis en toute honnêteté et sans considération pour la situation actuelle que je n'ai pas l'intention de briguer un nouveau mandat présidentiel. J'ai passé suffisamment d'années de ma vie au service de l'Egypte et de son peuple", a déclaré le chef de l'Etat.
"Je suis désormais absolument décidé à achever ma tâche en faveur de la Nation en transmettant sa sauvegarde et son drapeau (...), en préservant sa légitimité et en respectant sa constitution (...) Je vais oeuvrer dans les derniers mois de mon mandat aux mesures nécessaires à un transfert pacifique des pouvoirs."
Hosni Moubarak a perdu l'appui essentiel des Etats-Unis, qui s'efforcent de le pousser à une transition démocratique, au plus tard après la présidentielle de septembre.
DES HEURTS SIGNALÉS À ALEXANDRIE
L'armée, qui a jugé lundi les revendications des manifestants légitimes, semble également l'avoir lâché au moins en partie.
Plutôt qu'aux jeunes des centres urbains, qui constituent le gros de la contestation, le président s'est adressé mardi aux Egyptiens que le changement effraye et qui craignent le chaos. Rappelant son passé militaire, Hosni Moubarak a ainsi accusé ses détracteurs d'être à l'origine des pillages et des troubles de ses derniers jours. Il a en outre exclu de quitter un jour son pays.
En dehors du Caire, de grands rassemblements ont eu lieu dans d'autres villes d'Egypte, dont la deuxième ville du pays, Alexandrie, et Suez, haut lieu du mouvement de protestation. Des rassemblements étaient signalés aussi à Ismaïlia et dans des villes du delta du Nil comme Tanta, Mansoura, Mahalla el Koubra.
L'opposition, capitalisant sur ce succès, a enfoncé le clou, en excluant tout dialogue avec le gouvernement tant que Hosni Moubarak serait au pouvoir.
L'opposant Mohamed ElBaradeï, rentré la semaine dernière d'Autriche pour prendre part aux manifestations, a dénoncé une ruse après le discours du président, dont il réclame toujours la démission immédiate, selon CNN.
L'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), lauréat du prix Nobel de la paix en 2005, n'a pas exclu de briguer la succession du chef de l'Etat, ajoutant toutefois que ce n'était pas sa priorité pour le moment. Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe et ancien chef de la diplomatie égyptienne, envisage également de se présenter, toujours selon la chaîne américaine.
Des affrontements ont éclaté mardi soir à Alexandrie entre partisans et détracteurs d'Hosni Moubarak, rapporte la chaîne Al Djazira, selon laquelle des coups de feu ont retenti alors qu'un char se dirigeait sur les lieux.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l'homme a dit disposer d'informations faisant état de 300 morts, de plus de 3.000 blessés et de centaines d'arrestations dans les événements d'Egypte depuis le commencement des troubles le 25 janvier.
Les manifestations ont des retombées sur l'activité économique, notamment dans les ports d'Alexandrie et de Damiette, où, en raison d'une pénurie de dockers, les navires céréaliers ont de plus en plus de mal à charger leurs cargaisons.
Le ministre des Finances, Samir Radouane, a indiqué que l'économie se ressentait des manifestations en cours depuis huit jours. "Je ne nierai pas que l'économie égyptienne en pâtisse", a-t-il dit à la BBC-radio.
Les Etats-Unis ont ordonné mardi à tout le personnel non essentiel de leur ambassade au Caire de quitter l'Egypte. A Paris, le ministère des Affaires étrangères a fait savoir que des voyagistes privés affréteraient des vols spéciaux cette semaine pour permettre à tous les touristes français en Egypte qui le souhaitent de quitter le pays.