INTERVIEW - Alors que l'attaque de l'aéroport moscovite de Domodedovo n'a toujours pas été revendiquée, les enquêteurs privilégient la piste des insurgés islamistes du nord-Caucase...
Au lendemain de l'attentat à l'aéroport de Domodedovo,la piste caucasienne et l'acte d'une femme kamikaze sont privilégiés par la police russe. Hélène Blanc, politologue et criminologue spécialiste du monde slave, éditeur de Mariée au KGBde Renata Lesnik (Ginkgo éditions), explique à 20minutes.fr pourquoi il faut être prudent dans cette affaire.
Pourquoi la piste du terrorisme nord-caucasien est-elle privilégiée?
Il y a, comme souvent, une immédiateté étonnante, avant même le début de l'instruction. En mars 2010, moins d'une heure après les attentats dans le métro moscovite, on parlait déjà de la piste tchétchène ou caucasienne. C'est systématique, et ça me paraît un peu facile. Il y a toujours plusieurs pistes. Il ne faut pas immédiatement accuser des gens, qui sont peut-être coupables, mais qui peuvent aussi être innocents. Ces actes sont toujours attribués aux mêmes, mais il ne faut pas emboîter le pas à la version officielle.
Pourtant, n'y a-t-il pas des similitudes avec le mode opératoire de ces islamistes?
Le fait de se faire exploser est effectivement le mode opératoire des «veuves noires», comme on appelle ces femmes kamikazes tchétchènes. Mais, pour l'instant, on ne sait rien de cet attentat. Les médias russes parlent d'un «arabe» dont la tête aurait été retrouvée, mais ce n'est pas dit que ce soit un terroriste. Cela pourrait tout aussi bien être un voyageur qui a été tué dans l'explosion. Il faut donc être prudent.
Et attendre?
Oui, il faut attendre la revendication, s'il y en a une, et qu'une enquête, des analyses, des recoupements soient faits. Il faut analyser l'explosif par exemple: on sait que les Tchétchènes utilisent toujours le même, alors que le FSB par exemple, en emploie d'autres. Il faut que la police, la justice, mais aussi les journalistes, mènent une enquête sérieuse. En espérant qu'elle sera honnête.
Vous craignez que ce ne soit pas le cas?
Après les attentats de 1999 à Moscou, la piste caucasienne avait tout de suite été avancée, et on sait aujourd'hui, onze ans après, que ce ne sont pas les Tchétchènes mais le FSB qui était à l'origine de ces attaques. Cela avait été le déclencheur de la seconde guerre de Tchétchénie, et avait aussi permis de magnifier Poutine, qui s'était servi de ce drame comme d'un marchepied pour se faire connaître des Russes.
Ce pourrait à nouveau être le cas cette fois-ci?
La question que l'on doit se poser c'est: Est-ce que c'est un «vrai» attentat ou est-ce manigancé pour des raisons politiques, pour préparer l'opinion publique? Parmi les autre pistes possible, il y a le terrorisme islamiste international, le règlement de comptes aveugle, mais aussi la volonté de créer un climat de peur dans la société. La Russie entre dans une période pré-électorale, la présidentielle devant avoir lieu en mars 2012. Et, comme à chaque fois, le nombre d'attentats augmente. Selon moi, cet attaque profite à Poutine, qui se présente comme l'homme de fer. Or, les Russes aiment avoir un leader fort, ils vont être ravis si Poutine revient.
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