Il y a de quoi prier. Et ils sont nombreux les Béninois qui prient, en ce moment. Ils sont habités par l’espoir que leur beau pays ne connaîtra point le cyclone dévastateur des guerres postélectorales. Ils sont convaincus que la main invisible du Très Haut fera disparaître les noirs nuages qui s’amoncellent au-dessus de leurs têtes. Il faut s’en féliciter : nous sommes un peuple croyant ou un peuple de croyants. La référence à Dieu, dans notre vie quotidienne, n’est pas de l’ordre d’un acte banal. Elle traduit notre aptitude à la transcendance, la qualité de notre rapport au sacré. Ceci par-dessus et par-delà nos turpides, dans cette vallée des larmes où s’accomplit notre destinée humaine. Quand on est, par la culture, dans une telle disposition d’esprit, la prière se comprend aisément comme la compagne fidèle et omniprésente du croyant. Nous nous souvenons de ce cours de latin au collège. Notre professeur nous faisait alors découvrir la richesse du verbe adorer. Ce mot, avons-nous appris, est composé, d’une part, de la préposition « ad » qui signifie en latin vers et, d’autre part, du substantif « os » qui signifie bouche. Ainsi, qui adore Dieu, a la bouche tournée vers Dieu. Les Béninois, par leurs prières,appellent, sur l’élection présidentielle du 6 mars prochain, la crainte de Dieu, l’arbitrage, en dernier ressort, du Tout Puissant. C’est bien. Mais il faut se garder de faire de Dieu un principe magique paré de la vertu d’effacer nos péchés, de nous laver de toutes nos fautes. Une sorte de détergent spirituel qui, comme l’autre, nous rendrait blancs comme neige. Ce n’est pas Dieu qui nous a inspiré une Liste électorale permanente informatisée (Lépi) devenue, au détour de nos manœuvres et stratagèmes, un énorme sac à problèmes. Nous trimbalons depuis ce lourd fardeau, fruit de nos calculs et de nos combines, comme une bombe. Ayons l’honnêteté et le courage de reconnaître que Dieu n’a rien à voir dans notre basse cour. Celle-ci est sous notre contrôle libre et exclusif. La part de Dieu, dans tout ce qui nous arrive, est à jamais gravée, en termes de direction morale et d’exigence éthique, sur la table des lois. Celle-là même qu’il remit à Moïse sur le Mont Sinaï. Nous croyons y avoir lu : « Tu ne voleras point ». « Tu ne tricheras point ». Pour dire que si le souci de faire des élections justes, propres, libres était ce que les Béninois avaient le plus à partager, ils n’auraient pas besoin de s’arracher les cheveux, d’appeler Dieu au secours et de s’abîmer dans des prières sans fin. Ne demandons pas à Dieu d’arbitrer un match dans lequel on voudrait que celui qui sème le vent récolte la brise parfumée du grand large. Ne récolte-t-on pas ce qu’on a semé ? Pour dire également que la Lépi de tous nos tourments est d’abord l’œuvre de nos intelligences, l’œuvre de nos mains. Ce n’est pas Dieu qui nous inspire une Lépi. Du reste, Dieu n’inspire à personne une quelconque Lépi. Mais Dieu nous a dotés d’outils pour concevoir et mettre en œuvre notre Lépi. La dose de crainte de Dieu que nous devons y mettre, pour que cette Lépi rende véritablement service au Bénin et aux Béninois ne dépend que de nous-mêmes. On ne répare mieux une chose qu’avec ce dont on s’est servi pour la démolir. S’il en est ainsi, les Béninois peuvent continuer de prier. Mais ils ne peuvent s’empêcher de mobiliser leurs intelligences et leurs mains pour remodeler une Lépi consensuelle. Une Lépi capable de traduire leur désir de paix et d’être le gage d’élections propres, démocratiques et apaisées. Est-ce trop demander aux Béninois? |
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dimanche 27 février 2011
Dieu, les Béninois et les élections
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