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dimanche 27 février 2011

Démocratisation du monde arabe : le frein islamiste

Démocratie et islamisme feraient-ils bon ménage ? Depuis en tout cas que le malaise maghrébin a donné lieu à la plus grande crise politique vécue de mémoire d’homme dans le monde arabo-musulman, il y a une permanence de l’islamisme qui structure les rapports de force et influence l’issue des révoltes populaires. Et si la métamorphose du monde arabe ne doit pas se limiter à quelques changements cosmétiques, c’est encore avec l’islamisme qu’il faudra compter.
Islamisme n’est pas Islam. Cela mérite peut-être d’être précisé. La tendance islamiste, chez les musulmans, désigne en général les groupes et mouvements qui cherchent à établir, ouvertement ou clandestinement, un gouvernement ou un État islamique. Cet objectif se justifie par le fait qu'un gouvernement islamique appliquerait vraisemblablement certaines, sinon la plupart, des lois et règles de l'islam (la charia) qui ont trait, entre autres, à l'habillement, aux relations entre les sexes, à l'interdiction de l'alcool et des jeux d'argent, aux châtiments propres à des crimes précis et aux restrictions imposées aux opérations bancaires et aux prêts à intérêt.

Or, c’est justement en raison de cette tendance à la restriction de certaines libertés devenues indissociables du genre humain et du système capitaliste en vogue dans le monde occidental que l’islamisme est considéré comme une tendance à combattre ou tout au moins à restreindre. Dans le monde arabe en crise aujourd’hui, la prégnance islamiste était limitée. La plupart des gouvernements, alliés ou non des Etats-Unis d’Amérique et du monde occidental, ont préféré jusqu’ici se refuser à instaurer les règles islamistes les plus rigides sur leurs territoires pour des raisons qui varient d’un Etat à un autre. Même l’Irak de Saddam Hussein envahi en 2003 par la coalition américano-britannique était alors un Etat laïc. En conséquence, les groupes islamistes, attendaient leur heure. Et cette heure, avec les révoltes et les émeutes, a peut-être sonné. Mais tout le monde ne l’entend pas ainsi.
C’est l’Egypte qui, le mieux, a montré par sa position stratégique, la conduite de son armée et l’issue de sa révolution à quel point les tendances islamistes d’une certaine partie de la classe politique d’un Etat, peuvent ralentir ou dévoyer les objectifs de ceux qui militent aujourd’hui dans le monde arabe pour un peu plus de liberté. Non que la Tunisie, pionnière de la nouvelle disposition à la démocratie dans la région n’eût pas connu l’islamisme ou que les tenants de cette tendance n’aient pas influencé la révolution, mais les choses s’y sont trop vite passées et ont pris de cours bien de monde. En Egypte par contre, la présence dans les cortèges de manifestants et sur la place Tahrir des Frères musulmans a longtemps retardé le soutien des Etats-Unis aux révolutionnaires. Aujourd’hui encore, c’est en Libye que ce constat prend tout son sens. Comme d’autres dirigeants arabes désireux à un moment donné de leur histoire, de restaurer leurs relations avec le monde occidental, Mouammar Kadhafi a pris sur lui de réduire dans son pays les pôles islamistes à leur plus simple expression. Tous les moyens ont été utiles à cela : répressions, musèlement, exil, extermination. Dans le silence et l’assentiment tacite des gouvernements occidentaux qui croyaient ainsi briser les inclinaisons de cette région du monde vers l’islamisme radical. C’est sur ce tableau que jouent les derniers dictateurs en place comme Mouammar Kadhafi, prétendant être la cible de groupes terroristes islamistes. Et dans le cas d’espèce, le mouvement Al Qaïda au Maghreb islamique qui a apporté son soutien aux insurgés libyens ne vient que brouiller plus que de besoin les cartes. Dans la même dynamique, le Royaume du Bahreïn, en proie également à une révolution populaire, voit les efforts des jeunes émeutiers entachés par les déclarations fracassantes du président iranien Mahmoud Ahmadinejad en leur faveur.
En réalité, pour son importance stratégique et économique, le monde arabe ne pourra pas mener toute seule sa métamorphose démocratique. Le partenaire américain, présent à tous les étages de la vie politique et militaire de la plupart des Etats de la région, aura son mot à dire. Sa directive à suggérer. Son dauphin à proposer. Et si un peuple a envie de voir souverainement des islamistes le diriger, il devra encore attendre. La démocratisation du monde arabe ne passera pas par les versants islamistes.

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