Pas d'ambassades, aucun gratte-ciel et guère de goudron... Dans un peu plus de cinq mois, Juba, principale ville du Sud-Soudan, va pourtant devenir la capitale en chantier d'un nouveau pays qui verra le jour dans la foulée du "oui" à l'indépendance.Lire la suite l'article
Il y à peine un an, Juba, bourgade de zone de guerre, aux maisons de torchis et aux ruelles de terre battue, ne comptait qu'à peine un kilomètre ou deux de routes goudronnées et les archives municipales étaient stockées sous une tente.Selon les résultats officiels définitifs du référendum sur l'autodétermination, publiés lundi soir, 98,8% des électeurs ont dit "oui" à la sécession. Des résultats immédiatement reconnus par le président soudanais, chef du régime militaro-islamiste de Khartoum, Omar el-Béchir.
Tout est à faire. D'ici à sa naissance officielle en juillet 2011, le pays doit se trouver une monnaie, se choisir un nom et des missions diplomatiques doivent venir s'installer à Juba.
Sortant de décennies de guerre entre Nord musulman et Sud chrétien et animiste, le Sud-Soudan, malgré son sous-sol riche en pétrole qui lui fournit 98% de ses revenus, est une des régions les moins développées de la planète. Ici, une adolescente de 15 ans a plus de risques de mourir en couches que de chances de finir sa scolarité, estime l'ONU. Et quelque 85% des 8,7 millions de Sud-Soudanais seraient analphabètes.
Selon les estimations de Melody Atil, fondatrice et directrice de Peace Dividend, organisation non gouvernementale de micro-crédit au Sud-Soudan, seule 10% de la population active possède un emploi.
Venant aggraver la situation, ces dernières semaines, le prix de certains produits de première nécessité -sucre, huile, savon...- a augmenté de plus de 50%.
Tout est à construire. De quoi laisser libre cours aux ambitions de gens comme Soloman Chaplain Lui, 42 ans, entrepreneur qui supervise la construction de 160 appartements et chambres d'hôtel sur une émergence rocheuse surplombant Juba. C'est là que se trouve la plus grande piscine du pays, dont l'eau est pourtant bien trouble. Il regarde vers ces champs désertiques où il espère bâtir un jour un centre commercial, un parcours de golf... "Des tas de gens affluent ici pendant que je vous parle", dit-il. "C'est un nouveau pays en train de naître."
On ne connaît même pas le nombre exact d'habitants à Juba. Après les accords de paix de 2005 qui mirent fin à 20 ans de guerre civile, les gens ont commencé à affluer en ville, s'installant dans de nouveaux quartiers de bric et de broc qui ont poussé comme des champignons. Ces nouvelles implantations venues s'agglutiner les unes aux autres n'ont ni routes, ni électricité, ni évacuation des eaux usées.
Jemma Nunu Kumba, ministre sud-soudanaise du Logement et de la planification, reconnaît que son gouvernement ne fait que courir pour tenter de rattraper la réalité sur le terrain. "Nous sommes confrontés à un gigantesques défi", explique-t-elle. "Nos priorités sont en conflit avec les ressources dont nous disposons. Nous allons devoir demander de l'aide à la communauté internationale".
Cela fait quelques années pourtant que Juba attire des investisseurs internationaux, précurseurs du boom immobilier attendu. En 2007, un groupe de businessmen de Grande-Bretagne, d'Afrique du Sud et du Kenya avait investi 1,5 millions de dollars afin de rénover une demeure familiale, devenue un hôtel de 16 chambres, le Logali House, où la nuitée coûte la somme irréelle de 275 dollars... Un cinq étoiles pour Juba.
Laurie Meiring, directrice générale de Logali House, souligne que ce fut là un investissement "courageux": à l'époque, le référendum était encore loin, la menace de la guerre restait elle toute proche.
Tout est à faire. Aujourd'hui, des négociations cruciales doivent encore s'ouvrir avec Khartoum sur les questions de citoyenneté, le statut des Sudistes au Nord, le partage des revenus pétroliers, la démarcation des frontières définitives et le statut de la région frontalière d'Abyei.
Des questions qu'il est indispensable de résoudre, note Zach Vertin, spécialiste du Sud-Soudan au centre de réflexion International Crisis Group: "Non seulement pour une transition pacifique entre aujourd'hui et juillet, mais pour poser les fondations d'une relation post-référendum constructive" entre le Nord et le Sud. Le processus de discussion doit absolument se poursuivre et être soutenu, "ou nous nous retrouverons en juillet avec toute une série de problèmes toujours en suspens, et donc avec le risque de conflit"
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