Un militant homosexuel ougandais, dont le nom avait été publié par un magazine avec un appel au meurtre, a été assassiné mercredi à son domicile, sur fond de campagne homophobe dans ce pays d'Afrique de l'Est où l'homosexualité est sévèrement réprimée.
David Kato, 46 ans selon la police, était à la pointe du combat contre un projet de loi anti-homosexualité jugé ultra répressif par de nombreux pays et associations de défense des droits de l'homme.
Le chef de la police ougandaise a toutefois écarté en l'état tout lien entre le meurtre de M. Kato et ses activités, privilégiant la thèse d'un vol ayant mal tourné.
"Les investigations préliminaires désignent un cas de vol", a assuré le major général Kale Kayihura, ajoutant que le chauffeur de la victime, tuée à coups de marteau, avait été arrêté jeudi et qu'un deuxième suspect était en fuite.
"Les circonstances entourant cet incident ne révèlent aucun lien en rapport avec la campagne de M. Kato contre la loi anti-homosexualité débattue devant le Parlement ougandais. Il est dés lors faux (d'affirmer) que sa mort est liée à son rôle d'activiste au sein de (l'association) Minorités sexuelles en Ouganda", a affirmé le chef de la police.
Déjà connu pour ses prises de position publiques, son nom et sa photo avaient été publiés en octobre 2010 par un tabloïd homophobe à parution irrégulière, Rolling Stone (sans lien avec le magazine américain éponyme), qui appelait ses lecteurs à "pendre" les militants homosexuels.
Les noms d'une vingtaine de personnes avaient été ainsi "dénoncés" par le magazine.
"Le gouvernement devrait faire en sorte que les membres de la communauté ougandaise lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres soient réellement protégés et il devrait prendre des mesures rapides contre toute menace ou tout discours haineux susceptible d'inciter à la violence", a appelé l'organisation de défense des droits de l'Homme dans un communiqué.
Après avoir été exposé à la vindicte par le tabloïd, qui accusait les militants homosexuels de "recruter" la jeunesse ougandaise, M. Kato et d'autres activistes avaient obtenu une injonction de la Haute cour interdisant à tout média de mettre sur la place publique le nom ou les coordonnées de tout homosexuel présumé.
M. Kato s'était publiquement engagé contre un projet de loi qui multiplierait le nombre de crimes et délits liés à l'homosexualité.
Le nouveau texte, introduit en octobre 2009 et toujours en débat à l'assemblée, prévoit entre autres la peine de mort pour le viol d'un mineur par une personne du même sexe ou par un malade du sida.
Le texte propose également de punir toute discussion publique sur l'homosexualité, et rendrait passible de poursuites les parents, professeurs, médecins d'homosexuels, ou encore un propriétaire qui leur louerait un logement.
Ce projet de loi a suscité de vives protestations de la part de nombreux pays et ONG, notamment l'Union européenne et les Etats-Unis, qui ont appelé le président Museveni à y mettre son veto. Le président des Etats-Unis Barack Obama l'a qualifié d'"odieux".
En Ouganda -- où par ailleurs des élections générales et présidentielle sont prévues le 18 février --, de nombreux militants plaident pour une répression accrue de l'homosexualité, sous l'influence croissante de pasteurs évangélistes américains.
L'actuel code pénal ougandais réprime déjà sévèrement "la connaissance charnelle de toute personne contre l'ordre de la nature". Toute personne reconnue coupable d'avoir eu une relation homosexuelle encourt la réclusion à perpétuité.
Dans un communiqué, Amnesty international, "horrifiée", a appelé le gouvernement à protéger les Ougandais, "quelle que soit leur orientation sexuelle réelle ou perçue".
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